2. Valoriser les plantes et les œuvres d’art
Mettre des œuvres d’art ou des plantes dans des espaces de travail, pour quoi faire? "Les espaces de travail optimaux bénéficient d’une reconnexion au vivant, à l’art et aux sens, explique Alexandre Jost. L’objectif est de favoriser la créativité et la sérendipité." Il s’agit de faire appel à tous les sens: visuel, tactile, olfactif, auditif et gustatif. Par exemple, une étude de l’Université d’Exeter a ainsi souligné un effet surprenant de l’art: en divisant les collaborateurs en deux équipes, les chercheurs proposent pour l’une un espace de travail constitué d’un bureau nu, pour l’autre, un bureau agrémenté d’art et de plantes. Les chercheurs ont constaté que les bureaux décorés limitent le nombre d’erreur lors de tâches répétitives. Ils évaluent les résultats entre 17 et 32% de gain de productivité.
Mieux encore (pour ceux qui les aiment): certaines expériences montrent les bénéfices d’un animal au bureau. Aux Etats-Unis, il existe d’ailleurs une journée intitulée "Take Your Dog To Work"le 24 juin. Amazon et Google ont déjà intégré dans leur politique organisationnelle la présence d’animaux au sein du lieu de travail. A Tokyo, dans l’entreprise informatique Ferray, on peut retrouver neuf chats qui déambulent librement dans les locaux.
3. Créer des espaces propices aux liens humains
"La part du travail véritablement individuel est plus limitée qu’on ne le pense, c’est surtout le fruit des échanges formels et informels", rappelle Alexandre Jost. Les relations humaines sont notamment déterminées par une taille optimale des groupes humains, estimée à 150 personnes maximum par certaines études. Mais surtout, tous les lieux de l’entreprise doivent être propices aux échanges et à la circulation de l’information. Comme les métiers de services ont le SBAM (Sourire, Bonjour, Au revoir, Merci), les collaborateurs ont besoin d’échanges cordiaux au bureau, et ce, dans un cadre suffisamment aménagé pour les permettre. "Des travaux ont montré l’importance par exemple des 'landing', des zones qui permettent d’échanger avant ou après une réunion, ou des espaces qui permettent de se réunir spontanément, sans avoir à réserver de salle de réunion en amont", cite Alexandre Jost.
4. Adopter le digital de manière vertueuse
La révolution induite par le numérique bouleverse en profondeur les entreprises, les organisations et les collaborateurs. Le groupe Atos a développé un programme "Zéro mail" et une plateforme de réseau social interne, pour faciliter le partage d’information entre collaborateurs. Mais encore ne faut-il pas "déplacer" le problème en se retrouvant avec un réseau interne saturé: "Attention, il faut absolument accompagner les collaborateurs pour susciter leur adhésion et leur appropriation en mettant en place des règles et des outils qui vont contribuer au changement, ce qui suppose un véritable travail d’anticipation", prévient Alexandre Jost.
De même, les outils digitaux, comme des affichages dans certains espaces favorisent le partage d’information et la transparence au sein de l’entreprise. Pour aménager ses futurs locaux, la région Ile-de-France a réalisé plus d’une trentaine d’ateliers et de visites pour anticiper et accompagner son passage en open space sans bureaux attitrés et au télétravail et à la digitalisation des espaces. Avec une économie de 9 millions de feuilles par an, la numérisation génère une fierté écologique et sociétale pour les agents. 81% des agents ont jugé positivement l’impact des nouveaux espaces sur la collaboration. La diversité des espaces (grandes salles de réunion, petites salles de moins de 10 places, box de 2 à 4 personnes, lounges...), la création d’espaces créatifs digitaux comme les "fab labs" équipés de "surface hubs" tactiles et interactifs ont renforcé l’ancrage du travail collaboratif.
5. Miser sur la personnalisation et la modularité des locaux
De l’enfilade de bureaux fermés aux open spaces en flex-office, la configuration des bureaux s’est profondément transformée ces dernières années, allant du symbole du pouvoir jusqu’à la mobilité et la dépersonnalisation la plus totale, parfois jusqu’à l’extrême, ce qui n’a pas été sans déstabiliser parfois entreprises et collaborateurs. "Les nouveaux espaces doivent prendre en compte les besoins des activités et des individus mais aussi leur personnalité, et doivent inclure des lieux multiples, calmes, favorisant la collaboration et la socialisation, indique Alexandre Jost. Notamment parce 70% de ce que nous apprenons au travail repose sur des échanges imprévus et informels, par exemple lors de pauses-cafés ou de déjeuners."
Concrètement, le groupe de mobilier de bureau Herman Miller a défini l’approche Living Office qui distingue 7 activités collectives et 3 activités individuelles: dans un même lieu de travail, un collaborateur doit pouvoir bavarder sans gêner les autres de façon impromptue; dialoguer en l’ayant planifié avec accessibilité; co-créer sur un temps court avec différents services; répartir et conquérir pour permettre à un même service de travailler autour d’un même projet sur une longue période; se rassembler en urgence sans réserver de salle; présenter ou montrer à ses collègues; briefer ou débriefer à la sortie des réunions dans les couloirs; traiter et répondre ses mails; créer seul; contempler, se régénérer et prendre le temps de respirer.
6. Investir sur des espaces hybrides
Libérés en interne, les nouveaux espaces de travail doivent aussi s’ouvrir vers l’extérieur en prenant en compte leur environnement et celui des collaborateurs. Emmanuel François, président de la Smart Building Alliance, déclare: "En 120 ans, depuis début du XXe siècle, la population mondiale est passée de moins de 2 milliards d’habitants à près de 8 milliards. Dans le même temps, le bâtiment n’a quasiment pas évolué. Or, parce qu’il est mono-usage (logement, bureau, école, commerce, lieu de santé, etc.), le bâtiment est largement sous-utilisé. Nous pourrions pourtant avoir besoin de moins d’espace foncier, de moins matériaux pour construire, de moins d’énergie pour chauffer ou pour se déplacer en les repensant et les partageant. Grâce aux plateformes d’optimisation des espaces, les citoyens seraient informés sur les espaces à leur disposition pour travailler (flex-office), pour se loger (flex-living) ou encore pour acheter. Le commerce éphémère de proximité dans les immeubles en ville permettrait de rééquilibrer l’espace urbain. Tout le monde serait gagnant!" L’apparition de services comme les conciergeries au sein des entreprises permet d’économiser du temps privé, tandis que l’entreprise devient hybride et plus locale: pépinière, entreprise-ruche, entreprise-communauté…
7. Inventer une nouvelle manière de partager l'espace et le pouvoir
La configuration même des nouveaux espaces détermine le partage de l’information et les modalités de collaboration, mais vient aussi remodeler la gouvernance de l’organisation. "C’est la mise en œuvre de la subsidiarité dans les entreprises libérées, cite Alexandre Jost. D’après le principe 'holoptique', se voir les uns les autres de manière réciproque au travail induit une meilleure répartition du pouvoir." Mais attention: être dans un espace ouvert ne signifie pas forcément que les collaborateurs se parlent plus ou arrivent à prendre plus de décisions concertées. Là encore, un accompagnement des collaborateurs, tous niveaux hiérarchiques confondus, est nécessaire pour redéfinir les modes d’organisation et de prises de décision.